TOUT SEUL ON VA VITE, A DEUX ON VA LOINDès que Niclas eut atteint l'âge requis, il n'avait pas hésité une seule seconde avant de se prendre un appartement et de m'emmener avec lui. Très proches depuis toujours, notre complicité n'avait fait que s'accroître au fil des années. Aucun tabou n'existait entre nous. Nous pissions la porte ouverte, entrions dans la salle de bain pendant que l'autre prenait sa douche et parlions librement de tout. Hormis peut-être de cette relation spéciale qui nous unissait. Aucun de nous deux n'arrivait à mettre de mot sur notre affection. De mon côté, tout ce que je savais c'était que voir ses putes à la maison, en plus de m'amuser, me faisait mal au coeur. Il n'y avait pourtant aucune raison apparente à ce soudain type de jalousie. Je préférais me dire que je voulais garder mon frère pour moi, le savoir à mes côtés pour toujours. Sa présence me rassurait et j'avais besoin de lui autant qu'il avait besoin de moi.
Les pantoufles aux pieds, je me levais avec peine après une courte nuit de sommeil. Je n'avais pas réussi à fermer l'oeil de la nuit. Malgré leur volonté, Niclas et sa conquête n'avaient pas su rester discrets lors de leurs ébats. Le nez dans mon bol, je mangeais en silence mes céréales lorsqu'une silhouette m'apparut au loin. Une jeune femme venait de sortir de la chambre de mon frère. C'est alors qu'un large sourire se dessinait sur mon visage.
Bonjour déclarais-je d'un ton enjoué, bien trop enjoué pour être sincère. Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent tellement qu'ils auraient pus sortir de leur orbite.
Bonjour, vous êtes qui ? Je ris doucement. Ce genre de situation arrivait assez fréquemment pourtant, elles continuaient tout autant à me faire rire.
Rocsy, mais c'est plutôt à moi de vous poser cette question. J'arquais un sourcil, un sourire mesquin aux lèvres. Je prenais un malin plaisir à martyriser les femmes que se tapait Niclas. C'était un moyen comme un autre d'exorciser ma peine.
Je, euhm, je dois partir. Je levais les yeux au ciel. Toutes les mêmes! A peine avaient-elles posé les yeux sur moi, qu'elles fuyaient en courant. Avais-je donc une si mauvaise mine au réveil ou était-ce mon haleine de chacal ?
Je laisse un message peut-être ? Je la regardais à peine partir à grands pas. Elle s'apprêtait à passer le pas de la porte, lorsqu'elle tenta de prononcer quelques mots, avec énormément de difficulté.
Non, euh oui, euh ... Dites lui que je suis désolée, euh, d'être partie comme ça, sans rien dire, mais euh ... j'avais quelque chose à faire qui, euh ... mettait complètement sorti de la tête. Je secouais la tête tout en avalant une énième cuillerée de mes céréales. Lorsqu'elle fut enfin partie, j'éclatais de rire. Mon dieu ce qu'elle me faisait pitié, comme toutes les autres d'ailleurs. Le nez dans mon magazine automobile, je n'avais pas entendu Niclas arrivé. Ce n'est que lorsqu'il déposa un baiser sur mon front que je remarquais enfin sa présence. Simplement vêtu d'un caleçon, il ouvrait la porte du réfrigérateur cherchant de quoi nourrir son estomac d'ogre.
Tu l'as fait fuir celle-ci aussi ? Il tournait la tête vers moi et je fis de même.
Tu sais bien qu'il ne faut pas les laisser seule avec moi dis-je la bouche pleine.
De toute façon je ne vois pas ce que tu leur trouves à ces filles. Bon dieu ce qu'elles peuvent être niaises ! Il se mit à rire doucement, avant de s'installer en face de moi.
Disons qu'avec elles je ne m'attarde que sur le physique. Je roulais des yeux et soupirais doucement.
Encore heureux, parce que j'espère pas pour toi que c'est avec une de ces pimbêches que tu comptes finir ta vie. Le regard plongé l'un dans l'autre, nous ne prononcions plus aucun mot. Des silences comme celui là, il n'y en avait que très rarement, mais ils étaient des moments sacrés où bien plus que des mots étaient échangés.
❖❖Enfouie sous ma couette, je ne parvenais pas à rejoindre les bras de Morphée. Doucement, je décidais de m'extirper de ma chambre en direction de celle de Niclas. J'ouvrais la porte délicatement, essayant de faire le moins de bruit possible. Je me faufilais sous les draps aussi doucement que possible quand il m'attrapa par le bras et m'attira à lui. La tête calée dans sa nuque, je passais mes bras autour de son buste, tandis que les siens entouraient déjà mon dos. Ses yeux étaient fermés et j'en profitais pour sourire de bien être. Je sentais son souffle chatouiller ma peau et l'odeur de son corps parfumait mes narines. Je n'étais jamais aussi bien que dans ses bras et il n'y avait pour moi aucune autre place où je me sentais chez moi que lorsque j'étais avec lui. De mon index, je vins titiller le bout de son nez.
Hey, tu dors ? Hey, hey, dis, tu dors ? Il gémit gravement, les yeux toujours clos. Je continuais donc à toucher son nez, jeu qui ne se terminerait que lorsque je récolterais les résultats escomptés. C'est alors qu'il me chopa le doigt entre ses dents et me le mordilla gentiment avant de me faire rouler sur le côté. Son visage était à quelques centimètres du mien et la situation devenait bien trop ambiguë à mon goût. Mon regard alternait entre ses yeux et sa bouche et je me défendais corps et âme à ne pas me mordre la lèvre inférieure. Niclas passa sa main dans mes cheveux, un petit sourire en coin dessiné sur ses lèvres.
Tu sais que tu as un lit ? Je souris doucement. Il est vrai que, malgré que nous ayons chacun notre chambre, il n'était pas rare que je vienne squatter auprès de lui. Mais il n'avait rien à dire là-dessus. A lui aussi, il lui arrivait de faire un petit tour dans ma chambre pour au final n'en ressortir qu'au petit matin. Pourtant, malgré que nous dormions assez souvent ensemble rien ne s'était encore produit. De toute évidence, nous ne pouvions pas. Nous nous efforcions de n'y voir là qu'une forte relation frère-soeur.
Ouais, mais le tiens est bien plus confortable. Gros mensonge et j'étais cramé à dix kilomètres à la ronde.
Puis c'est en souvenir du bon vieux temps ... Je fis la moue, il sourit puis m'attira à nouveau à lui avant de fermer les yeux. Je fis de même et déposais ma tête contre son torse. Dès lors, je trouvais facilement le sommeil, sa présence étant le meilleur des remèdes.
LE MERVEILEUX EST DANS L'INSTANTDeux semaines durant, je m'étais écartés de Niclas. Pour le besoin de mes études, j'avais dû effectuer un stage à Orlando, auprès de la police judiciaire. Bien que j'y ai passé des moments merveilleux qui m'ont beaucoup apporté professionnellement parlant, je dois bien avouer que j'étais plus qu'heureuse de rentrer à la maison et ainsi retrouver Niclas. Je tournais les clés dans la serrure et entrais avec hâte dans l'appartement.
C'est moi! Levant la tête en direction du salon, ce que je vis m'ébranla. Niclas se tenait la debout aux côtés d'une jeune femme tout à fait charmante. Elle aurait pu être l'une de ses innombrables filles avec qui il passait la nuit, mais quelque chose de différent régnait dans l'atmosphère.
Rocsy, je te présente Maya. Maya, voici Rocsy. Ma bouche s'était ouverte et formait désormais un grand o d'étonnement. A cet instant je priais dieu pour qu'il ne prononce pas l'imprononçable. Qu'il ne me dise pas ce que je n'avais pas envie d'entendre.
Maya est, comment dire, ma copine officielle et elle viendra vivre ici quelques temps. Je lâchais mes valises qui tombèrent au sol dans un bruit sourd. Sans prononcer un mot, je courrais en direction de la porte dans d'entrée et quittais l'appartement en larmes. Qu'avais-je bien pus imaginer ? Il était évident qu'un jour ou l'autre, Niclas finirait pas se caser, qu'il arrêterait ses conneries d'un soir et qu'il se trouverait une fille stable avec qui passer la fin de sa vie. Pourtant, je n'arrivais pas à croire que cela soit arrivé aussi vite, sans que je n'en cris garde, mais surtout en mon absence. Je courais à travers la ville, mon souffle était court, mais je continuais de courir jusqu'à perdre haleine. Les larmes coulaient en rafale le long de mes joues. Je venais de perdre mon frère, mais également l'homme qui avait pour moi toujours été mon âme soeur. J'étais bien trop naïve. Mon frère ne pouvait pas être l'homme de ma vie! J'avais courus très longtemps, trop longtemps. Les yeux rouges, je parcourais la ville, l'esprit perdu, totalement anéantie. Je m'arrêtais dans une épicerie où j'achetais une boîte de donuts format XXL. La tristesse creuse l'estomac. Je m'étais par la suite rendue au parc, mon point de repère. Il m'arrivait souvent de m'asseoir sous cet arbre, simplement pour réfléchir. La pluie tombait à torrent, mais je restais assise à manger mes donuts, tout en maudissant la vie que je menais. Je devais être horrible à voir, mon maquillage ayant totalement coulé et ma bouche étant complètement recouverte de sucre glace. Le temps était passé vite ou alors était-il arrivé très vite, mais je me retrouvais désormais nez-à-nez avec Niclas qui s'était agenouillé devant moi. Ses mains encadraient mon visage, mais mes yeux fuyaient son regard. J'avais honte, honte d'avoir crus qu'un jour cette femme pouvait être moi.
Rocsy, regarde-moi, s'il te plait. Sa voix était douce, comme toujours et je l'aurais supplié de se taire si j'en avais eu la force. Je relevais les yeux avec peine. Son regard pesait lourd et, alors que j'avais réussi à sécher mes larmes, l'avoir face à moi me donnait de nouveau envie de pleurer.
Rocsy, explique-moi ce qui ne va pas ... Je ravalais la boule qui m'obstruait désormais la gorge. Ma bouche s'ouvre alors légèrement et une exclamation étouffée sort de mes lèvres.
Il y a que t'es qu'un pauv'con, que j'suis qu'une pauv'conne. Il y a que, je sais même pas pourquoi je suis arrivée à penser ça, mais j'étais persuadée que toi et moi c'était quelque chose de spécial, tu vois ? Qu'entre nous c'était pas vraiment une relation fraternelle. Moi je voyais plus. En fait je me suis bien trompée, j'avais aucune raison de croire à tout ça, mais ça me réconfortait. Parce que tu vois, moi j'ai besoin de toi. J'ai beau avoir réfléchis, mais j'arrive pas à me faire à l'idée qu'il y a une autre fille en dehors de moi dans ta vie. C'est trop dur Niclas, je veux pas, je peux pas. Mes mots étaient étouffés par les sanglots qui se faisaient de plus en plus forts.
Mais c'est de ma faute, je sais, je suis encore qu'une pauv'gamine qui nourrissait l'espoir de ... Son doigt vint se poser sur ma bouche, puis glissa jusque ma joue. Mon regard plongé dans le sien, je n'arrivais plus à prononcer le moindre mot. Alors que j'avais eu un débit de paroles digne du livre des records, je me retrouvais désormais totalement muette. Niclas s'approcha encore un peu plus de moi, passant sa main dans mes cheveux. Il me regardait intensément et mon coeur s'était mis à battre vivement. Il approcha ses lèvres des miennes et y déposa un long baiser qui me procura des frissons de plaisir. Les yeux fermés, je savourais ce moment tant attendu. Alors qu'il mit fin à notre étreinte, j'aurais aimé en demander encore. J'étais totalement perdue, à vrai dire je ne comprenais plus rien. Je n'arrivais même pas à me rendre compte des évènements qui venaient de se dérouler.
Mais, je ... Pourquoi ? Enfin, comment .. tu ? Niclas se mit à rire doucement et ses jolies fossettes se dessinèrent autour de sa bouche.
Bordel Rocsy tu peux pas arrêter de parler un instant. Je posais alors ma main sur ma bouche d'un geste brusque. J'étais comme ça : dès que les évènements me dépassaient, la seule solution à mon angoisse était de parler pour combler les blancs.
Viens, on rentre. Il se releva et me tendit la main pour m'aider à me relever. Dans les bras l'un de l'autre, nous marchions silence jusqu'à notre appartement.
CAR VOTRE ÂME SOEUR PEUT-ÊTRE EN MÊME TEMPS VOTRE ÂME DAMNÉEVoilà plusieurs jours déjà que je trouvais quelque chose de changé chez Niclas. Il me paraissait étrange, assez perdu et totalement dans son monde. Depuis quelques temps, il me semblait qu'il s'éloignait doucement de moi et cette idée me paniquait au plus haut point. Je me brossais les dents lorsqu'il émergea enfin de son sommeil profond. Il marchait en direction de la cuisine tel un automate et ses gestes relevaient plus du machinal que du naturel. Je crachais le restant de dentifrice qui se trouvait dans ma bouche et me rinçais les dents à l'eau chaude. Bien décidée à mettre les choses au clair, je me pointais dans la cuisine et m'assis en face de lui.
Dis-moi tout. Il porta son regard sur moi, arqua un sourcil m'incitant à lui en dire plus.
T'es bizarre en ce moment, y a quelque chose qui te tracasse ? Le boulot ça va pas ? Niclas baissa la tête, pris une grande inspiration et reposa enfin son regard sur moi.
J'ai quelque chose à te dire, quelque chose de vraiment important ... La panique encore faible tout à l'heure, s'était en une seconde multipliée à grand vitesse.
J'en peux plus de garder ça pour moi, de continuer à te mentir comme ça. Je ne comprenais pas très bien où il voulait en venir, mais tout s'expliqua lorsqu'il commença à me conter la vérité sur mon histoire, sur ma naissance, les horreurs qu'avait fait subir notre "père" à ma mère. Plus il parlait et plus des larmes de tristesse et de colère imprégnaient mes yeux. Une fois qu'il eut terminé, je me levais brusquement de ma chaise, me reculais jusqu'à atteindre le mur et me laissais tomber à terre. Complètement sous le choc, mon regard était porté dans le vide. Je n'en revenais pas. Tout ceci était un mauvais rêve, j'allais me réveiller dans ses bras et tout serait de nouveau comme avant.
Je suis désolé, Rocsy s'il te plait pardonne-moi. Niclas s'était agenouillé devant moi et tenait fermement mes épaules. Je levais les yeux vers lui et l'affligeais d'une gifle herculéenne.
Comment t'as pu me faire ça ? Je portais désormais sur lui un regard plein de dégoût. Je me relevais d'un bond et m'éloignais de lui.
Pourquoi tu ne l'as pas dit plus tôt ? Pourquoi tu n'en as jamais parlé à personne, pas même à la police !? Alors qu'il s'approchait de moi, je me reculais à nouveau, voulant garder une distance de sécurité entre nous deux. J'avais peur tout comme j'étais écoeurée.
Comment veux-tu que je le dénonce ? C'est mon père Rocsy. Je m'esclaffais, tournant en rond dans la pièce. Les poings serrés, je ne cessais de secouer la tête.
Ton père ? Mais réveille-toi un peu Niclas ! Cet homme est un monstre ! -
Non, c'est mon père Rocsy, mets-toi à ma place un peu. Je me pinçais les lèvres. Je n'arrivais pas à croire que Niclas, l'homme que j'aimais du plus profond de mon coeur pouvait avoir un lien avec une histoire pareille.
Dégage, je veux plus te voir ! Voyant qu'il ne bougeait pas d'un pouce, je levais le doigt en l'air, pointant de mon index la porte d'entrée.
J'ai dit vas-t'en! Niclas partis alors sans se faire prier et je me laissais aller sous l'eau froide de la douche qui camouflait les larmes qui coulaient le long de mes joues.